Former est rentable pour l’entreprise. C’est ce que met en évidence la cinquième étude sur les coûts et bénéfices de la formation professionnelle initiale du point de vue des entreprises. Une entreprise gagne en moyenne 4500 francs par contrat d’apprentissage et par année de formation. Pour la première fois, la qualité de la formation a également été analysée dans le cadre de l’enquête. Alexander Gehret*, co-responsable de l’enquête, rattaché à la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP), revient sur les principaux résultats.
Rolf Marti

Pourquoi est-ce important pour la formation professionnelle que la formation des apprenties et apprentis soit rentable ?
Pour que les entreprises restent prêtes à former des jeunes, elles doivent pouvoir en tirer un avantage. Si le rapport coûts-bénéfices venait à se détériorer, moins de postes d’apprentissage seraient proposés.
Une personne en formation peut faire gagner 47 000 francs à l’entreprise (installatrice-électricienne/installateur-électricien) ou lui faire perdre 17 000 francs (polymécanicienne/polymécanicien) (voir graphiques). Quels facteurs influencent la rentabilité des formations ?
Nous avons calculé le bénéfice net de différents métiers, soit la différence entre le travail productif fourni par les personnes en apprentissage et le coût de la formation pour l’entreprise. Plus une personne en formation peut rapidement être productive, plus le bénéfice est important pour l’entreprise. Les installatrices-électriciennes et les installateurs-électriciens se chargent vite de tâches qui reviendraient autrement au personnel qualifié. Au contraire, les polymécaniciennes ou polymécaniciens doivent recevoir une formation intensive avant de pouvoir être productifs. Le salaire des personnes en formation a aussi une influence sur le bénéfice net. Plus le salaire est élevé, plus le bénéfice est faible pour l’entreprise. Cela ne signifie toutefois pas que l’entreprise perd de l’argent. Elle investit dans ses apprenties et apprentis.
Dans quelle mesure les entreprises font effectivement leur travail de formatrices si elles perdent de l’argent pendant l’apprentissage ?
Dans tous les métiers observés qui représentent un bénéfice net négatif pendant la formation, nous avons remarqué que la plupart des personnes en apprentissage continuaient de travailler dans l’entreprise après la fin de leur formation. L’entreprise économise ainsi d’importants coûts de recrutement et d’initiation, ce qui compense les coûts de formation non couverts. Les entreprises sont manifestement en mesure de proposer des perspectives attrayantes aux jeunes professionnelles et professionnels, et en tirent également profit en les gardant au sein de leurs équipes.
Le rapport coût-bénéfice de la formation professionnelle initiale a été analysé cinq fois depuis 2003. Cette nouvelle enquête comporte-t-elle des résultats surprenants ?
L’élément le plus surprenants est que peu de choses ont changé, malgré des transformations majeures ayant touché le secteur de la finance, le franc suisse et le numérique, sans oublier la pandémie de coronavirus. Toutes les enquêtes montrent qu’il existe un équilibre entre le coût et les bénéfices d’un apprentissage pour l’entreprise.
L’enquête analyse pour la première fois la qualité de la formation. Quelles sont vos conclusions à ce sujet ?
Nous avons interrogé les entreprises sur différents aspects, par exemple sur la manière dont elles organisent et planifient la formation, et nous avons cherché à savoir si elles confient des responsabilités aux personnes en apprentissage, leur font régulièrement un retour sur leur formation et leur permettent de trouver leurs propres solutions aux défis qu’elles rencontrent. Selon ces retours les réponses collectées, près de 80 % des entreprises jugent la qualité de leur formation entre « satisfaisante » et « très bonne ».
Les entreprises formatrices se sont auto-évaluées. Par conséquent, peut-on considérer ces résultats fiables ?
Les entreprises ont tendance à mieux s’évaluer que les personnes en apprentissage. Cependant, les enquêtes précédentes ont mis en évidence que les deux parties identifient les mêmes points positifs et critiques, même si leur évaluation diffère quelque peu. Notre enquête permet donc de tirer des conclusions relatives sur la qualité de la formation.
15 % des entreprises formatrices jugent que la qualité de leur formation se trouve en-dessous de la moyenne. Qu’est-ce que cela signifie pour les personnes en apprentissage ?
Cela ne signifie pas nécessairement que ces entreprises forment mal leurs apprenties et apprentis. Seulement qu’elles le font moins bien que d’autres. Nous devons leur montrer comment améliorer la qualité de leur formation. Cela sera bénéfique tant pour les entreprises que pour les personnes en apprentissage. D’une part, parce que les entreprises qui forment bien trouvent des apprenties et apprentis motivés et prêts à s’investir dans leur travail. D’autre part, parce que de bonnes conditions de formation contribuent à rendre la formation professionnelle attrayante.
Sur la base de cette enquête, quelles attentes formulez-vous envers les entreprises ?
Nous ne formulons par d’attentes, nous faisons un constat. Nous montrons l’influence que les coûts et les bénéfices peuvent avoir sur la disposition des entreprises à former des personnes. Sur cette base, les partenaires de la formation professionnelle peuvent prendre des décisions. Deux messages me semblent toutefois centraux. Le premier : les personnes en apprentissage sont bien plus qu’un facteur de coûts. Elles effectuent un travail productif précieux. En contrepartie, elles doivent évoluer dans un environnement de formation adéquat et de qualité. Le deuxième : il doit y avoir un équilibre sain entre les coûts et les bénéfices. Il convient d’y veiller lors des révisions régulières des plans de formation.
* Alexander Gehret est économiste et diplômé en économie d’entreprise HES. Il travaille à la Haute école en formation professionnelle (HEFP) depuis 2016.
Aperçu des principaux résultats
- Toutes professions confondues, le bénéfice net moyen pour l’année de formation 2022-2023 s’élevait à un peu plus de 4500 francs par année d’apprentissage et par contrat d’apprentissage. Le bénéfice net correspond à la différence entre le travail productif fourni par les personnes en apprentissage et le coût de la formation.
- Le bénéfice net moyen s’élève à 9630 francs pour un apprentissage AFP, de 13 940 francs pour un apprentissage CFC en trois ans et de 17 510 francs pour un apprentissage CFC en quatre ans.
- La différence entre le bénéfice moyen net le plus élevé (installateur/trice-électricien-ne CFC : 47 210 francs) et le plus bas (polymécanicien-ne CFC : -17 010 francs) se monte à plus de 64 000 francs.
- La filière de maturité professionnelle en cours d’apprentissage (MP1) fait baisser le bénéfice net de 3000 francs en moyenne. La raison à cela ? Les absences plus fréquentes des personnes en formation.
- Chaque année en Suisse, les apprenties et apprentis contribuent à la création de valeur à hauteur d’environ 5,7 milliards de francs. Un chiffre qu’il convient de confronter aux coûts de formation des entreprises, qui s’élèvent à environ 5 milliards.
- 80 % des entreprises se disent « plutôt » voire « très » satisfaites du rapport coût/bénéfice de la formation.
- 82 % des entreprises trouvent pertinents les contenus de formation figurant dans le plan de formation. 19 % des entreprises transmettent des qualifications supplémentaires au cours de la formation.
- La principale motivation qui mène les entreprises à former des jeunes est la volonté de contribuer de manière positive à la société. Les raisons économiques gagnent cependant en importance.
Bénéfice net des formations professionnelles initiales les plus fréquentes
Formations professionnelles initiales AFP en deux ans

Formations professionnelles initiales CFC en trois ans

Formations professionnelles initiales CFC en quatre ans

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